Darwin pensait que la sélection naturelle était un moteur de l'évolution : les formes de vie s'adaptent à leur environnement qui sélectionne ainsi les plus compétitifs. L’idée est judicieuse quand on n'a pas la connaissance des mutations génétiques.
C'est par ailleurs ce "filtre" environnemental qui laisse penser que l'évolution est "dirigée" (conception des néocréationnistes) : il n'y a en fait qu'une apparence de dirigisme, l'environnement n'ayant pas pour vocation de préférer tel ou tel. Les mutations sont hasardeuses, l'environnement filtre la nouveauté sans finalité : l'évolution est opportuniste.
Depuis une vingtaine d'année des progrès considérables en matière de génétique du développement ont été enregistrés. Notamment la découverte des gènes homéotiques, architectes des plans d'organisation.
Comment expliquer un passage progressif vers la bipédie au sein de la lignée humaine ?
Il ne s'agit évidement pas de multiples mutations hasardeuses de gènes métaboliques, toutes convergeant par hasard vers l'acquisition de cette bipédie. On constate quand même que les plans d'organisations sont conservés globalement. De plus la comparaison de l'ADN chimpanzé et Humain montre trop peu de différences génétiques expliquant les différences phénotypiques. Alors ? Il faut envisager une ou plusieurs mutations de gènes homéotiques.
On remarque que l'embryon de chimpanzé présente un trou occipital centré (donc indiqué pour la bipédie). Ce n'est qu'au cours de sa croissance qu'il y a migration apparente du trou occipital vers l'arrière du crâne (et passage à la quadrupédie) : en fait ce n'est pas le trou qui migre mais une croissance plus rapide des os de la base du crâne coté antérieur, que les os coté occipital. Cette croissance différentielle est sous le contrôle des gènes du développement.
Une mutation de ces gènes (à identifier) bloquerait la "migration" du trou occipital vers l'occipital : le primate mutant conserverait alors au cours de sa croissance son caractère juvénile et donc une anatomie crânienne de bipède. Cette conservation des caractères juvéniles à l'âge adulte s'appelle néoténie.
L’hypothèse actuelle est donc que la lignée humaine a pu apparaitre suite à une mutation de gène homéotique impliqué dans l'apparition de la bipédie.
Cette nouveauté intervient sans qu'il y ait un rapport avec l'environnement. La bipédie a donc pu apparaitre de façon précoce, avant les changements climatiques enregistrés dans l'Est africain. Seulement l'environnement joue son rôle de filtre et va donc sélectionner préférentiellement les quadrupèdes en milieu forestier et les bipèdes en milieu de savane arborée.
Cela dit, tout le programme de Terminale S tient sur le postulat simple que lignée humaine = acquisition de la bipédie. C'est fragile ! Il semble que la bipédie existait déjà chez l'ancêtre commun aux Hommes et aux chimpanzés (bien sûr cette bipédie n'est pas parfaite comme chez Homo ergaster, mais elle existe). De plus en plus de paléoanthropologues (Brigitte Senut...) estiment alors que la bipédie n'est pas un caractère dérivé de la lignée humaine mais un caractère ancestral. Du coup la définition de notre lignée en prend un coup et peut être un coup de jeune... Si l'ancêtre commun possédait une forme de bipédie, alors de nombreux fossiles "bipèdes" sont peut-être à exclure de la lignée humaine. Des nouvelles données génétiques vont également dans ce sens en supposant une séparation Hommes-chimpanzé il y a moins de 6 millions d'années.
Note : Notre ami Yoyo doit publier un bouquin sur le sujet, accompagné d'un CD-ROM de ressources pour la classe début 2007. (édition CRDP)